Coordination:
– Pedro Urbano (Comité éditorial)
– Marie-Frédérique Bacqué (Comité éditorial)
– Christine Fawer Caputo (Comité éditorial)

Argumentaire :

1.
On pourrait écrire une infinité de pages sur la mort, l’état irréversible aux mille visages. De la «Grande Faucheuse» à Odin, le dieu des morts de la mythologie nordique, elle a été décrite, symbolisée et représentée — notamment en tant que figure anthropomorphe — d’innombrables fois. Ces mille visages sont peut-être la preuve, par omission, qu’on n’arrive pas à établir à son sujet une définition adéquate, capable de rendre la tranquillité à nous-mêmes.

Comment alors parler de la mort? Et pourquoi parler de la mort?

2.
Parler de la mort peut être — et est bien souvent — un sujet difficile et inconfortable, mais c’est aussi une partie importante de la vie que nous devons tous et toutes affronter. Qu’il s’agisse de notre propre mortalité ou de celle d’un être cher, le fait de pouvoir avoir des conversations ouvertes et honnêtes sur la mort peut (par exemple) nous aider à accepter notre propre mortalité et à soutenir ceux qui sont en deuil.

Pareillement, parler de la mort avec les enfants peut être un sujet difficile et sensible, mais il s’agit d’un élément important pour les aider à comprendre et à accepter le concept de la mortalité, notamment parce que les enfants sont curieux naturellement curieux et peuvent se poser de nombreuses questions sur la mort, sujet complexe et émotionnel.

Et on peut dire la même chose des adolescents ou des personnes âgées. En effet, si la mort est un sujet difficile pour les personnes de tous âges, elle peut être particulièrement difficile
à comprendre et à traiter pour les adolescents et les personnes âgées. Dans le premier cas, étant donné que l’adolescence est une période de changement et de développement importants, penser à sa propre mortalité peut être effrayant et accablant. Dans le second cas, bien qu’il s’agisse d’un sujet sensible, il n’en demeure pas moins qu’il fait partie intégrante et importante des soins et du soutien apportés aux personnes âgées en fin de vie.

Autrement dit, parler de la mort n’est pas seulement un exercice théorique de spéculation philosophique ou une recherche du sens de la vie. Parler de la mort, savoir en parler, c’est aussi (et avant tout?) une façon concrète de tendre la main à ceux qui en ont besoin — sans essayer de régler ou de résoudre leurs problèmes. C’est aussi un geste concret d’entraide entre des personnes, pour tenter de surmonter les difficultés auxquelles elles sont confrontées.

3.
À ces difficultés, de tous temps, de tous lieux, de toutes cultures, s’ajoutent d’autres difficultés potentielles, nées de l’époque actuelle, dans les sociétés post-industrielles de l’Occident. En particulier, l’éventuel changement oecuménique dans les manières d’affronter et de ritualiser la mort.

En fait, nous vivons, depuis quelques décennies, des temps extraordinaires. Depuis à peine une cinquantaine d’années, des révolutions ont eu lieu dans tous les domaines de l’existence humaine. Des révolutions qui, à leur tour, ont donné lieu à d’autres révolutions, entraînant des découvertes, des conquêtes importantes, des progrès sociaux, scientifiques et technologiques, etc. (Mais qui ont aussi conduit à des crises, qui à leur tour ont conduit à d’autres crises, comme dans un «effet domino», dont la fin n’est pas en vue.) C’est notamment le cas des progrès de la médecine et des domaines associés (génétique, pharmacologie, etc.), qui, plus que d’avoir créé la promesse d’une plus grande longévité, ont apparemment créé dans le monde occidental le mirage de la quasi-immortalité. Comme si la mort n’existait plus.

La mort continue d’exister, évidemment, mais elle est vécue désormais en ce début du XXIe siècle, nous rappelle Marie-Frédérique Bacqué, non plus comme une fatalité d’ordre biologique, mais comme une violence, une injustice, un aléa, l’échec d’une existence. Des sentiments qui ne sont pas nouveaux, mais que jamais comme aujourd’hui ils n’ont été au coeur de la réflexion, du discours et des usages autour de la mort. Comme si la mort était devenue une blessure narcissique, dans l’existence de chacun et de chacune.

4.
Il convient de rappeler que des changements majeurs dans nos attitudes envers la mort sont intervenus avant même ces révolutions, peut-être avec l’événement planétaire le plus traumatisant de ces cent dernières années: les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, au Japon, qui ont eu lieu à la fin de la seconde guerre mondiale et qui ont marqué le début de l’ère nucléaire. Peut-être que le rapport actuel à la mort, du moins dans les pays occidentaux, est né de là, comme argumenté par Bacqué et Hanus (2016). Peut-être que l’occultation sociale de la mort, évoquée par ces deux auteurs, et que, selon eux, n’est peut-être qu’une des expressions d’un phénomène plus général, découle de cet événement majeur et absolument traumatisant; qui nous a laissé, nous tous, ne sachant plus comment faire face à la mort.

Il a, en tout cas, créé un vide angoissant, à partir de cette ignorance. Un vide qui peut être combattu par le refus de la mort elle-même, même si c’est de manière symbolique.

5.
Comment comprendre cela? L’une des pistes de réflexion fondamentales est, peut-être, l’étonnant diagnostic posé par l’historien et sociologue américain Cristopher Larsch, qui a compris à la fin des années 1970 (La Culture du Narcissisme) que la multiplication des cas limites («borderline») perçue par la psychiatrie de l’époque, et qui n’a cessé d’augmenter depuis lors, était le reflet de l’émergence d’une personnalité narcissique à l’échelle non plus seulement du pathologique mais de la culture tout entière.

En même temps, Larsch a noté un déclin du sens de la «continuité historique». «Vivre dans l’instant est la passion dominante», il a écrit, et nous perdons la notion d’appartenir à une «succession de générations qui, nées dans le passé, s’étendent vers le futur» (p. 31). La condition des personnes âgées est aggravée dans une société narcissique où il n’est plus possible de transmettre une certaine forme de sagesse née de sa propre expérience de vie à ses enfants. La tristesse de devoir disparaître est souvent atténuée par l’idée de pouvoir se prolonger à travers sa descendance mais l’ancienne génération ne peut plus rien enseigner à la jeune puisque tout intérêt pour l’avenir a disparu. Seul compte de pouvoir prolonger sa propre jeunesse, de paraître jeune et l’on s’efface souvent avec répugnance devant la nouvelle génération. Mais il s’agit plus d’un culte du moi que d’un culte de la jeunesse (p. 269).

Comment parler de la mort dans cette culture du présent, sans passé ni avenir, où la satisfaction des besoins immédiats matériels ou affectifs, la recherche d’un bien-être (ou tout du moins d’une impression de bien-être) sont la priorité?

Peut-être, précisément, en parlant davantage de la mort; nous obligeant par la même occasion à en réfléchir davantage.

Présentation de la revue

Études sur la Mort reçoit des articles thématiques mais peut aussi publier des articles tout venant. Ces articles concernent la mort et le mourir, thématiques regroupées auparavant sous le nom de thanatologie. Les études sur la mort sont typiquement transdisciplinaires. Les articles peuvent être sociologiques, anthropologiques, psychologiques, psychanalytiques, épidémiologiques, de médecine légale, économiques, environnementaux, philosophiques, religieux, etc. Notre discipline, les études sur la mort, reçoit tout article et l’adresse à son comité de rédaction pour un premier avis, puis à deux experts anonymes qui analysent l’article proposé en émettant leur avis à l’aide d’une grille de lecture imposée. Après corrections, l’article accepté est publié dans le prochain numéro ou le numéro thématique concerné. Les recommandations aux auteurs suivent les normes APA (voir plus loin). Nous vous remercions de vous intéresser aux Études sur la Mort.

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Toutes les propositions de manuscrits doivent être adressées directement par courriel à pedro.urbano@nullfpce.uc.pt et bacque@nullunistra.fr.
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