MORT ET SORCELLERIE
N° 162 de la revue « Études sur la Mort » dirigé par Guillaume Rousset, Christina Alexopoulos, Ian Gonzalez et Marie-Frédérique Bacqué
Argumentaire
Alors que la question de la sorcellerie peut, en apparence, sembler anecdotique ou très spécifique, une analyse plus attentive montre que, en réalité, ce thème pourrait bénéficier d’une certaine forme d’universalité.
Universalité dans l’espace, d’abord, puisqu’une très grande variété de territoires ont connu ou connaissent encore des pratiques qui sont assimilées, à tort ou à raison, à la sorcellerie.
Universalité dans le temps, ensuite, car ce type de faits n’est pas cantonné à des périodes passées, éventuellement lointaines, mais connait, selon les territoires, une certaine forme de contemporanéité.
Universalité dans les manifestations et les traductions, également, puisque la sorcellerie irrigue de nombreuses sphères de nos quotidiens, sous des formes diverses : d’Harry Potter à Gandalf, en passant par les druides, les guérisseurs ou certaines formes de magies, les formes contemporaines sont nombreuses.
Universalité dans les analyses que la société peut mener de ce phénomène, enfin, la sorcellerie renvoyant, comme pour de nombreux thèmes, à des disciplines variées qui peuvent être mobilisées pour l’étudier : sciences des religions, psychologie, sociologie et anthropologie, mais aussi, de manière moins attendue peut-être, droit, économie et sciences de gestion, pour ne citer que ces exemples.
Au-delà, la sorcellerie peut aussi être un axe d’analyse de la société actuelle puisque l’on peut revisiter par son prisme des questions aussi différentes que la place des femmes, les modes de management, les types de répression mis en place par le droit pénal, la place des thérapies alternatives ou bien encore la place accordée aux discours discordants.
Sur la base de ces éléments de contexte, il est essentiel d’analyser le type de rapports que la mort et la sorcellerie peuvent entretenir. La mort semble constituer un point central dans la pratique de la sorcellerie, quelle que soit la manière dont elle peut se manifester. Ainsi,
• la mort peut être donnée par celui qui fait acte de sorcellerie : c’est le cas de façon volontaire à travers les notions de sacrifice ou de sort, mais c’est le cas aussi de façon involontaire lorsque la volonté de guérir aboutit au fait de tuer ;
• la mort peut aussi être donnée à celui qui fait acte de sorcellerie lorsqu’il subit la répression et le procès.
Plus globalement, le sorcier est, dans certaines cultures, celui qui joue le rôle de passeur ou d’intermédiaire entre le monde des vivants et le monde des morts.
De manière opposée, il est aussi intéressant de réfléchir sur le rôle que le sorcier peut jouer, non plus pour donner la mort, mais pour l’éviter, spécialement lorsqu’il soigne, y compris lorsque le soin se traduit par un exorcisme ou des pratiques apotropaïques (c’est-à-dire qui visent à conjurer le mauvais sort et à détourner les influences maléfiques). La sorcellerie est alors facteur de vie en luttant contre la maladie et, in fine, la mort.
Sur la base de tous ces éléments, le présent appel à contributions vise à développer l’analyse non pas du phénomène de sorcellerie de façon générale, mais son analyse dans les rapports qu’il entretient avec la mort, à travers ses différents aspects et dimensions. Une grande variété de disciplines pourra contribuer à répondre à ces interrogations : Comment la sorcellerie se traduit-elle aujourd’hui dans ses rapports avec la mort ? Quels rapports mort et sorcellerie entretiennent-ils ? La mort est-elle un élément constitutif de la sorcellerie ? Quelles sont ses éventuelles spécificités historiques, sociales et psychologiques en lien avec la mort ? Comment les sociétés appréhendent-elles les liens entre sorcellerie et mort, les éléments territoriaux, culturels voire religieux pouvant influencer cette perception ? La sorcellerie peut-elle constituer une forme de mort pour une vision rationnelle du monde ? Quelle place accorder (ou non) aux relations entre ces notions dans la cité ? etc.
Les contributions pourront s’insérer dans les interrogations formulées ci-dessus, sans exclusivité.
Références
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Soumettre un article :
Les propositions d’articles doivent être adressées aux quatre adresses suivantes :
guillaume.rousset@nulluniv-lyon3.fr
alexopoulos_8@nullhotmail.com
gonzalez.ian@nullgmail.com
bacque@nullunistra.fr
Recommandation aux auteurs sont sur le site de la revue : https://ciem-thanatologie.com/la-revue-etudes-sur-la-mort/
Calendrier :
– Date limite de soumission d’une proposition d’article en format Word (25 000 à 30 000 signes espaces et bibliographie comprises) : 15 octobre 2024.
– Expertise des propositions : jusqu’au 15 novembre 2024.
– Corrections des auteurs et renvoi de l’article aux directeurs du N° : jusqu’au 1er décembre 2024.
– Transmission à l’éditeur de l’article définitif : 15 décembre 2024.
– Parution : décembre 2024.
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